Une fois remis de nos émotions de vol libre, nous reprenons la route direction le Nord, comme d’habitude. Nous visons La playa El Cuco, où nous logeons chez José et Mary à El Carao, grâce au réseau warmshowers. Comme écrit dans sa pile de livres d’or des cyclovoyageurs accueillis, “Ce n’est déjà pas commun de tomber sur un Salvadorien qui vous parle en français, mais se rajoute un accent québécois qui roule en vélo semi-couché ! Alors là, on a décroché la perle rare.”

Une rencontre qui nous aura profondément marquée. José est né au Salvador, mais lorsqu’il a 10 ans en 1980, la guerre civile se renforce. Après d’édifiantes histoires impliquant la vie de ses frères, sa mère vendra ses terres permettant ainsi d’envoyer ces 12 fils au Canada afin de sauver leur vie, éviter leur l’embrigadement par l’armée d’un côté ou par les guérilleros de l’autre. Permettant à ses frères et soeurs encore vivants de fuir les atrocités quotidiennes. Nous passerons les détails de ces terrifiantes histoires, que chaque Salvadoriens porte sur ses épaules.
Au Québec, il a une vie paisible, plus confortable et un bon travail. Mais, en 2003, il ressent le besoin de revenir dans son pays, vers ses racines, ses terres à El Carao. Bien entendu son entourage le prend pour un fou et lorsqu’il explique qu’il rentrera au Salvador en vélo, alors les « impossibles » fusent. On lui proposera même de consulter un psy. José est déterminé, il fait la sourde oreille et prépare son coup. Le 28 juillet 2003 à Montréal, il enfourche son vélo semi-couché, chargé comme une mule et part en direction du sud.
Il lui suffira de 9 mois pour rejoindre le Salvador, réaliser son rêve et “vivre les mois les plus heureux de sa vie”, comme il dit. Il rentre avec 3000 dollars en poche, retravaille d’arrache-pied au Salvador et aujourd’hui José est à la tête d’une entreprise de 6 « tiendas » petite supérette autrement appelée pulperia. Il nous prouve que les limites sont celles que l’on s’impose.

Nous échangeons énormément sur les raisons qui l’ont poussées à partir et sur le voyage en général. Pourquoi à vélo? Pourquoi quitter son confort et son train de vie facile? Pour lui, comme pour nous, la raison principale est l’ouverture d’esprit que ce genre de voyage t’impose et t’apporte dans le même temps. Sortir de sa bulle, celle qui nous donne peur de ce que l’on ne connaît pas, n’est pas aisé. Bien sûr, l’inconnu fait peur mais la réalité est bien moins dangereuse et hostile que ce que l’on pourrait penser. Voyager dans ces zones dites “dangereuses”, nous prouve également que même dans ce genre de pays, il y a principalement de belles personnes.
Ne soyons pas naïfs non plus, certaines personnes ne nous veulent pas que du bien. Se faire voler serait un moindre mal… Un seul regard nous suffit généralement à comprendre que nous devons filer rapidement. Ce genre de situation que nous avons vécu est heureusement rare.
Neuf mois que nous voyageons, le temps que José à mis pour rejoindre son pays et pendant ces mois nous avons rencontré tant de personnes différentes. Des horizons de vie parfois à l’extrême opposé, des manières de pensées différentes mais dans l’immense majorité ces personnes avaient la main sur le cœur pour nous aider.
Le voyage à vélo a un capital sympathie difficilement imaginable lorsque l’on ne l’a pas expérimenté en dehors de l’Europe. Avec un vélo couché cela passe dans une autre dimension, qui nous laisse parfois sans voix.
Comme le dit si bien José avec son accent québécois: “Les paysages s’effacent facilement, mais les rencontres jamais tu ne les oublient”.
Merci à toi José.
Steve et Sandrine