Carnets de Voyages

CARNET 01

Une Première Transatlantique

[extrait]
29.01.2020 | Cette navigation chaotique clôture en symétrie nos aventures en méditerranée. Le venturi sous le Rocher de Gibraltar hurle et nous refuse en esquivant un naufrage sous ses verticalités calcaires. La grande bleue, puissante, nous met en difficulté, luttant contre nous. Si ça continue, on touchera la falaise d’ici quelques minutes. À trois, Landry, Steve et moi, nos efforts se conjuguent en rire et en ordre, le génois ne s’enroule plus, le bout entortillé ne se décoincera pas, les écoutes virevoltent et frappent en furie le pont. Landry a l’idée de génie de nous lancer dans une valse à 360°, je pousse la barre franche tout à droite, le voilier s’engage en rond dans l’écume bouillonnante face à la vigie Britannique au sommet du rocher. Le génois s’enroule à nouveau, on est sauvé, mais à mon tribord un zodiac noir fonce droit, on distingue les secouristes harnachés en commando.


CARNET 02

Tropical

[Extrait]

22.09.2021 | Dur, dur, on fait la gueule. On s’apprêtait à traverser la frontière Hondurienne. Impossible, il faudrait prendre un bus aller-retour inutile pour un test antigénique à la capitale. Guasaule est un bidonville puis un no-man-land entre le Nicaragua et le Honduras à 300 km de Managua, la capitale. Les locaux ont le regard sal et noir, ils manigancent. On dormira dans l’unique hôtel miteux avec d’autres migrants, d’un autre type, fuyant la guerre. Ces familles Ouzbeks si loin, un autre continent, des guerres, des océans et la traversée de la jungle du Darien. Les discussions sont floues et terribles à la fois. Alors, je la ferme, je positive et je les écoute. Toute la nuit les fumerolles des cigarettes envahissent ma couchette, la tristesse de leurs insomnies transpercent les murs jusqu’au lever du jour, où le coq est égorgé dans la cour. Finalement, je suis contente de prendre un bus.  


CARNET 03

Au bout d’un rêve

[Extrait]

30.04.2022 | Des rêves naissent d’autres rêves, et ainsi de suite jusqu’à la mort. Je suis là au Tuamotu, et déjà je veux revenir, en étant ma seule capitaine. Je connais le chemin, les alizés connaissent ma peau, nous avons commencé un dialogue qui est loin d’être terminé.

Mon passage dicté par le patriarcal capitaine d’un bateau que je voile moi-même, que je guide nuit et jour, mais dont les rênes m’échappent. Je me réconcilie avec ce destin, non pas misérable pour être opprimé dans un paradis, en tombant amoureuse des Marquises, fascinante Nuku Hiva et Ua Pou. Je rêve d’Hiva Oa et de Fatu Hiva, que je laisse amer dans mon sillage. Je rêve de l’infinité des Australes, du calme des Gambiers et de me confondre aux voix de celles et ceux qui y vivent depuis toujours.

Je crois que les âmes s’accrochent aux îles comme l’alizé aux cimes des cocotiers et le parfum des hommes à nos souvenirs.

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