Depuis notre dernier vol somptueux au Salvador (Conchagua), nous essuyons des échecs cuisants pour voler à Tamanique et au lago Coatepeque, faute de bonnes conditions aérologiques. Nos ailes commençaient à prendre la poussière. On a tendance à raconter les succès, mais régulièrement les parapentes restent bien au chaud dans nos sacoches. On scrute les cartes à la recherche des sites de vols possibles au Guatemala. Bien entendu tout le monde parle du fameux vol de Panajachel, mais notre attention se porte d’abord sur le volcan Acatenango.

Acatenango, quasiment 4000 m, un vol qui se prépare un peu plus que les simples soaring sur le Pacifique. Son voisin, El Fuego, rentrerait en éruption toutes les 20 minutes. On rêve de cette envolée. Seulement à 4000, le vent est souvent puissant, 50-60km/h rendant toutes tentatives impossibles pour nous. On décortique tous les fichiers météo. Un créneau étroit semble se profiler le lundi 11 octobre avec 20km/h annoncé au sommet au lever du jour.
On est encore au Salvador, il reste 130 km à parcourir et +4000 m de dénivelé. Des cols qui s’enchainent, dont certains très sévères, la réputation des routes Guatémaltèques n’est plus à faire. Ça nous fait doucement sourire lorsque les voyageurs en bus ou en van t’expliquent que les routes sont difficiles. Passons.
Sur ce genre de route la plupart des camions surchauffant doivent s’arrêter et littéralement balancer des seaux d’eau sur leurs moteurs. Les voitures fument capot relevé et les odeurs de freins cramés remplacent celles des « restaurants » de bord de route.
En trois jours (+4000m on est lent, oui ! ), nous arrivons à Antigua assez fatigués et Thomas nous accueille formidablement, le vendredi soir. Le samedi, le repos s’impose mais on prépare le matos pour grimper l’Acatenango le lendemain. Le créneau se confirme pour l’aurore du lundi. On récupère du matos très chaud et des sacs à dos plus grands chez Gerber, de la boutique de vélos wolves du coin de la rue.


Le dimanche on part léger, un peu d’eau, quelques sandwichs, tente, duvets, et bien sûr nos parapentes. Le sentier est raide, mais efficace, on grimpe en 2h30 les 1200 m de dénivelé jusqu’au bivouac. À 3500 m, on trouve la plateforme parfaite pour installer le bivouac, face à El fuego. Le spectacle est incroyable, nous sommes hypnotisés par chaque éruption et jet de lave rougeoyante. Le vacarme nous fait frissonner, la terre tremble. La nuit tombe, c’est encore plus impressionnant, on est enveloppé dans nos duvets, la tente ouverte pour ne pas perdre une seconde du spectacle.


Aprés une petite nuit à observer les éruptions et un réveil à 3h30 du matin nous attaquons la dernière partie de l’ascension assez retord.
Le sentier devient un pierrier de scories raide aux environs de 35%. Les petites pierres se dérobent à chaque pas, on croit reculer. Nous grimpons à quatre pattes.

L’aurore pointe son nez, le sommet est atteint et la vue à 360° est exceptionnelle. Le vent est ok, aux alentours de 20km/h laminaire et parfaitement orienté venant du Nord-Est. Nous savons que ça ne durera pas, le laps de temps pour décoller est court. Plus nous attendons et plus la brise de pente se renforcera par l’action thermique du soleil qui chauffe ces belles petites pierres volcaniques bien noires.
Les voiles sont préparées à l’intérieur du cratère, à l’abri du vent et on demande de l’aide à des guides présents là-haut avec leurs groupes. À 6h, le vent commence déjà à forcir. L’aide de Werner, un guide, est la bienvenue pour ne pas se faire arracher par la voile. Dans mon cas, il maintient bien la voile pendant que j’organise mon décollage. Pour une fois que je suis organisé. Je gonfle ma voile, elle me tire, je temporise au dessus de la tête et attends Sandrine. Après plusieurs minutes, la voile au dessus de la tête, qui ne veut que voler, je prends la décision de décoller.

Le vent forcit, elle est seule au sommet, les guides sont descendu avec leurs clients. Les rafales changent l’ambiance qui était calme il y a encore quelques minutes. La première tentative de décollage de Sandrine est scabreuse. Elle se fait tirer sur plusieurs mètres dans le cratère sans dégâts. Elle décide de s’installer plus bas dans la pente afin d’éviter l’accélération du vent au niveau de la crête. La deuxième sera acrobatique mais c’est la bonne, et elle se retrouve en l’air plusieurs minutes après moi.
Un grand « ouf » de soulagement, lorsque j’aperçois le profil orange de sa voile dans le ciel bleu au niveau du sommet.

Trente minutes de vol plus tard et sans aucun effort physique, nos pieds touchent le sol 2500 m plus bas. Magique. Affaires pliées, il ne me reste plus qu’à faire du stop pour rentrer à Antigua. Sandrine posera presque à Antigua et s’épargnera cette dernière étape !
Pas de calvaire de descente à pied, pas de mal au genou, que des frissons.
Promis, dans le prochain article on ne parlera pas de nous. Il sera consacré à Maya Pedal, une ONG Guatémaltèque super intéressante dans laquelle nous avons eu la chance de travailler.
À tout bientôt dans le ciel’o.