L’île de Bora Bora est notre dernier stop avant la grande traversée vers les Fidji. Steve qui a pris de l’avance est déjà passé par là il y a quelques semaines. Moi j’arrive seulement sur l’île.



Le mauvais sort des baleines invisibles
Jusqu’ici, depuis le début de ce tour du monde, Steve et moi avions toujours eu la poisse question baleine. Au Mexique le requin-baleine était rentré dans la baie de La Paz au même moment que nous en sortions. Certains navigateurs nous racontaient qu’ils en voient si souvent en mer de Cortès, que parfois ils craignent des collisions. À Moorea, tous les Polynésiens ainsi que tous les popas (touristes français) ont bien sûr une ou deux histoires à raconter avec une baleine qui fait un saut périlleux, qui met bas ou diffuse le lait proche de son baleineau. Mais moi, quand j’arrivais à Moorea en Baie de Cook, les baleines nageaient en Baie d’Haapiti, et quand je rejoignais Haapiti, elles s’en allaient en Baie de Cook évidemment… Tout le monde les voyait avec une facilité déconcertante sauf moi.
Alors, depuis des semaines, je m’étais convaincu que je repartirais de Polynésie en étant la seule à ne pas avoir vu ces baleines. Je préférais tomber dessus par hasard ou pas du tout, plutôt que de les poursuivre et les déranger en faisant du whales-watching intrusif en bateau moteur comme le touriste-consommateur classique.
Baleine à tribord !
N’y croyant plus, n’y pensant même plus, c’est Paul à l’avant qui gesticulant comme un fou et criant des mots incompréhensibles, nous montres du doigt un truc gigantesque à quelques mètres à droite du navire. Juste avant la passe de Bora Bora, où nous arrivons à faible vitesse, c’est une superbe baleine à bosse qui nage vers note voilier. On est comme des enfants à bord, on rit, on court autour du pont pour mieux l’observer, on s’éloigne, on garde nos distances, on admire, on est bouche bée.
Elle se rapproche de nous au point que nous voyons sur sa tête de petites protubérances. Le mots baleine à bosse prend doublement son sens, d’une part en enroulant le dos pour plonger c’est une belle bosse noire qui dépasse de la surface de l’océan et d’autre part il existe une myriade de petites bosses sur son crâne. C’est un animal véritablement majestueux, peut être de dix mètres de long. En cherchant quelques articles sur la fonction de ces petites protubérances, j’apprends que les chercheurs débattent encore actuellement sur leur utilité. Certains chercheurs suggèrent que chaque tubercule cache des poils agissant comme récepteurs et permettant de recevoir les ondes sonores très basses fréquences.





Cette baleine à bosse aime venir d’août à septembre dans les lagons de Polynésie Française. Comme toutes les baleines à bosses, elles voyagent depuis les eaux froides de l’Antarctique pour venir donner naissance à leur baleineau dans les eaux chaudes de Polynésie. Imaginez-vous, ces baleines parcourent plus de 6000 kilomètres depuis l’Antarctique pour venir chaque année ici !
Le sort est donc rompu, j’ai enfin eu la chance d’admirer ce mammifère incroyable.
Bora pour les intimes
Bora bora, c’est le grand rêve de ma mère, qui dans son imaginaire est le paradis perdu du Pacifique. Quand je l’entends prononcer Boooraaa Boooraaa, d’une manière lente telle une histoire des mille-et-une nuit, je vois déjà les étoiles dans ses yeux. De mon côté, on m’en avait dit beaucoup de mal. Bora Bora, ici appelée tout simplement Bora, avec le R roulé comme partout en Polynésie, est une ile qui ne plaît pas à tous. Elle est souvent qualifiée d’ultra-touristique et de “Resort à Popa”, autrement dit un club Med pour blanc devenu rouge sous le soleil polynésien. C’est vrai qu’il existe de très nombreux hôtels luxueux et cette influence blanche, française, consommatrice, dénature l’ile qui devait être il y a longtemps, avant l’arrivée des colons, une merveille sauvage car plus isolée que ses sœurs Raïatea, Tahiti, et Moorea.
J’ai décidé de laisser mes compagnons de navigation à leur tournée des restaurants, surf club, et marché locaux pour prospecter les sites de vol libre. Laissant mon vélo couché démonté dans Evenstar, ayant le pousse dans la poche et la voile dans le sac à dos, je suis parti en stop, faire le tour de l’île. J’ai randonné avec les locaux, discuté avec les anciens assis au pied de l’église du village Anau, et pour moi, Bora a du caractère. J’ai interagi exclusivement avec des personnes nées sur l’île depuis plusieurs générations, et j’ai été toujours très bien accueilli, dans des coins très sauvages où les resorts ne sont pas visibles.
Je n’ai pas la chance de rester assez longtemps pour mieux comprendre les problèmes vis-à-vis des propriétés de terre, des interactions touriste-locaux, mais j’ai vraiment ressenti de bonnes ondes.



L’approche du décollage d’Anau est super accessible, et permet d’atteindre la crête pour admirer l’ile des deux côtés par une petite rando de 20 minutes. Comme partout en Polynésie, il est indispensable de demander l’autorisation aux maisons en contrebas de la rando pour monter et de prévenir de notre vol à la tour de contrôle dont les pilotes locaux ont le contact. C’est de loin, l’un des plus beaux sites de vol de mon voyage. La vue est inoubliable, le pacifique est sous mes pieds, je vois Raiatea, et Tahaa au loin, et les lagons turquoises de Bora sous ma sellette. Quelle Chance ! Sous ma voile, en restant bien collé à la falaise, et au plus chaud de la journée, les thermiques m’envoient vers les sommets de l’Ile sans trop d’efforts même avec ma monosurface. Je rencontre en l’air les pilotes locaux Raimanu, Etienne et Paul. L’attéro sur le stade de foot du village d’Anau est simple et relativement proche, même pour une mini-voile. C’est étrange de me dire, qu’il y a quelques semaines mon compagnon de vie de ses quatre dernières années volait au même endroit, quelle histoire !
Bora signe la fin de mon périple dans le Fenua, La Terre Polynésienne, nous repartons direction les Fidji, sans trop savoir si nous allons faire des escales sur la route.




