Départ de Port Camargue ce jeudi 7 janvier à 8h07 sous de très bonnes augures. Le bulletin météo du matin est engageant et n’annonce pas de coup de vent significatif pour le moment. Les premières 10 heures furent très agréables, le vent nous fait filer à 6-7 nœuds dans une mer calme et sous un soleil radieux. Pour un Bénéteau First 325, c’est une belle moyenne !


À la nuit tombée les évènements ont pris une toute autre tournure. La tempête Philomena gronde sur le continent, à Madrid les records de froid sont battus par -14°, les vents abattent une tempête de neige sur l’Espagne, et nous sommes en mer… tout va bien.

Lors de notre premier quart avec Sandrine les conditions sont devenues musclées. Bien entendu c’est toujours la nuit que les conditions forcissent sinon ça n’est pas marrant. On réveille Landry, le capitaine, pour manœuvrer, on prend le 2ème ris et on enroule la voile d’avant (génois). La mer se démonte progressivement, les vagues déferlent et se croisent sur le pont avec un vent atteignant fréquemment 30 nœuds.
Nous perdons l’éclairage des instruments de navigations, réduit à nos frontales qui éclairent toujours la petite boussole du cockpit. À quatre mains sur la barre franche ça secoue, on s’en souviendra toute notre vie, nos doigts en prisent crispées sur la barre se figent par le froid et deviennent douloureux puis endoloris. Nous nous relayons à trois, deux à la barre pour tenir le coup, un qui part s’allonger dans le vacarme infernal du carré aspergé de sauce soja (on a mal fermé le placard), jonché de centaines de visses (autre tiroir mal fermé) et aux relents des vomis de chacun d’entre nous. La dernière est enfermée dans sa cabine depuis des heures, elle subit un autre enfer. Mal de mer dans ces conditions … on y passera tous, sauf Landry, son estomac s’accroche.
Pour vous donner une idée du repos, quand on quitte la barre, on descend le plus vite possible pour éviter de vomir avant d’être en position horizontal, où ça va relativement mieux. On se couche (on se jette) sur le sol où on a étalé les coussins du carré entre les piliers de la table et les bancs, bottes aux pieds, cirés complets et bonnet font office de couverture et ne sont pas enlevés pour toujours prêt à sortir. On ferme les yeux et on essaye de se reposer jusqu’à notre prochain tour de garde.
À 23h, nous prenons la décision de se dérouter sur le port le plus proche qui s’avérera être à 7 h de navigation. À minuit, nous sommes trempés jusqu’au slip et les vagues balayent fréquemment le pont. La partie avant de la filière (barrière de câble) cède d’un côté sous le poids d’une chute. On découvre qu’en mer, la situation peut toujours s’empirer. Le vent ne ferra que forcir, jusqu’à 33 nœuds, en vent arrière, au pire de la nuit et des rafales proche de 40 nœuds. La lutte ne fait que commencer contre la fatigue et le froid qui nous transpercent les os. La fatigue nous tire vers le sommeil alors que nous avons les mains à la barre. Mais hors de question de se laisser aller, ni lâcher la barre. Une très longue nuit nous attend. Landry et Steve garderont ensemble le cap sur les deux dernières heure jusqu’à l’arrivée au ponton Urgence de Rosas.
A 5h on rejoint Puerto Rosas en Catalogne.

Moralité : il n’est jamais bon d’avoir le slip mouillé.
Maintenant c’est repos, en attendant que cette méchante dépression passe son chemin et que nous puissions reprendre le nôtre. (Steve & Sandrine)