Nicaragua ! Rencontre avec le projet Casa Verde

Un article qui sera légèrement plus long tant il y a à écrire sur ce pays complexe. Un pays qui n’est connu que pour les côtés obscurs de la gouvernance Ortega et la pauvreté. Avant d’envisager la remontée de l’Amérique Centrale à bicyclette, nous-même ne connaissions rien sur ce pays et ne savions à peine le localiser.

Tout juste 200 ans où cette petite région est devenue indépendante de l’Espagne le 15 septembre 1821. Nous sommes plongés dans les fêtes de ce bicentenaire et ses nombreuses cérémonies qui scandent que c’est le jour le plus important de la patrie. Entre 1821 à 1838 le Nicaragua est rattaché aux Provinces-Unies d’Amérique centrale tout comme le Guatemala, l’actuel El Salvador, le Honduras et le Costa Rica. C’est pourquoi leurs drapeaux (sauf le Costa Rica) sont très similaires. Seulement en 1854 il devient un pays souverain et se sépare de la fédération pour fonder la République du Nicaragua.
Terre de volcanisme, cette région est l’une des plus actives de l’Amérique Centrale, sculptant des paysages tous plus beaux les uns que les autres. Nous pédalons d’un volcan à l’autre, notamment jusqu’à Masaya, dont sa caldera béante expose aux yeux de tous la puissance des entrailles de la terre. Une houle rougeoyante gronde, la lave que l’on observe est bouillonnante. Magie du voyage, on ne se doutait pas au matin qu’un spectacle si fascinant nous attendait à la nuit tombée durant plusieurs heures.

Devant le volcan Concepcion sur l’ile Ometepe, on bloque l’aéroport
Le San Cristobal. Plus haut volcan du Nicaragua
La lave. Volcan Masaya
Ça fume. Volcan Masaya
La caldera durant la journée. Volcan Masaya

Le volcan Momotombo, dont sa fumée lointaine nous témoigne également de son activité, constitue l’attrait visuel principal de la zone nord de Managua.
Capitale que nous aurons pris plaisir à fuir rapidement tant faire du vélo dans la périphérie de celle-ci est désagréable. Nous sillonnons les crêtes de l’ancien volcan Granda, qui offre désormais un lac circulaire, la laguna Apoyo.
La monotone et parfaite carretera entre Managua et Chinandega nous dévoile l’imposant édifice volcanique du Nicaragua, le San Cristobal. Magnifique cime à la silhouette massive, il fume lui aussi, laissant échapper de son cratère une fumée blanchâtre de gaz, signe de son bouillonnement interne.

La laguna de Apoyo.

Les routes empruntées alternent entre une qualité parfaite et certaines littéralement terribles. Nouveau concept sur l’île d’Ometepe, celui de la route-rivière, l’eau ruisselante creuse des tranchées et imbrications de pierres de divers diamètres rendant le pilotage de nos vélos chargé technique. À vélo couché Sandrine pilote sa monture d’une main de maître en jouant l’équilibriste entre deux tranchées. De mon côté, je déclipse les cales automatiques afin de ne pas finir l’épaule écrasée contre les blocs. Dans les zones les plus reculées les sourires, ne manquent pas lorsqu’ils nous voient pédaler sur ce genre de terrain: los locos !

Yoga,en bord de lac, pour se détendre le corps et l’esprit après la rudesse d’une grosse journée de vélo.
Heureusement, ces routes nous conduisent dans des lieux magiques. Cascade San ramon, Ometepe. Humidité 100%

L’architecture coloniale est nettement plus présente que chez les voisins Costaricien et Panaméen. À vrai dire, cette absence quasi totale d’architecture historique nous manquait. Les villes colorées de Granada et de Léon nous rappellent l’hispanisation de la région avec ses patios extravagants d’Alhambra. Ces deux villes ont lutté pour le titre de capitale sans pouvoir s’entendre. Pour mettre tout le monde d’accord, c’est Managua, à mi-distance de ces deux métropoles qui fût déclarée capitale.

Réparation des chaussures à cales de Steve par un artisan de rue aux mains d’or
Les toits de Granada, par une montée secrète d’un clocher
Musée Ortiz à Léon.

Casa Verde – Leon

Nous prenons le temps également de rencontrer Carolina et Jordan de la Casa Verde à Las Penitas sur la côte Pacifique. Elle est Nicaraguayenne et lui vient de l’Arizona. Il y a 6 ans, ils ont créés le projet Casa Verde, ayant pour objectif de rendre ce petit village plus propre et rendre autonome la population sur la collecte des déchets, le recyclage, la réutilisation de ceux-ci.

On rentre dans le sujet directement en transformant une quelconque bouteille de vin en un verre de table assez cool. En plus, pas besoin d’électricité la découpe se réalise à la main et rapidement. Un couteau à verre marque circulairement la bouteille en tournant sur des roulettes. Elle est ensuite chauffée à la bougie, puis plongée directement dans l’eau. Le choc thermique effectue la découpe proprement sans bavures. Il ne reste plus qu’à limer manuellement le rebord au papier de verre pour retirer le fil.

Depuis quelques années, malgré un vrai enthousiasme pour les ateliers, et la nouvelle allure du village, la gestion du projet n’arrive pas à être transférée aux habitants. Jordan et Carolina pense à créer un lieu de vie avec d’autres locaux motivés et impliqués sur des projets environnementaux, mais il semble que ce ne sera pas à Las Penitas.

Reprendre la route vers le Honduras, des populations marquées

Reprenant notre route, nous échangeons avec les Nicas (comme ils se nomment eux-même), du régime actuel pseudo-démocratique et prenons conscience que le contexte socio-politique est complexe. La situation n’est pas aussi simple que celle décrite, car Daniel Ortega est issu du front Sandiniste de Libération Nationale FSLN, qui participa au renversement de la dynastie dictatoriale des Somoza pendant la révolution de 1979 à 1985.
Un président issu de la classe moyenne, qui était est très apprécié avant 2018, car il participa en grande partie à l’alphabétisation du pays et à l’amélioration du système de santé. Mais en 2019 tout bascule. En témoigne ce printemps sanglant, que le pays a connu pour étouffer la révolte naissante au sein de la population suite à l’annonce d’une réforme de retraite. Cette réforme, censée combler le déficit de la sécurité sociale, suggérait d’augmenter la durée de cotisations des actifs et en même temps de baisser les pensions de retraites (tiens ça rappelle quelques choses ?). Des évènements qui auront fait 325 morts et une ligne rouge qui aura été franchise aux yeux de la population. Une situation dont le peuple à garder les stigmates et une peur qui est entretenue par la coopération entre le président Ortega et les forces de polices pour maintenir l’ordre et empêcher toute nouvelle insurrection de la population.

Aujourd’hui, à la veille d’élection présidentielle en novembre 2021 qui ne sera pas démocratique, de nombreux opposants politiques sont emprisonnés ou bien exilés au Costa Rica. Pour en avoir discuté, la société est baignée dans une peur du lendemain électorale puisque l’incertitude quant à l’avenir du pays est grande et anxiogène. Une situation difficile à saisir, qui ne se visualise pas au bord de routes, mais qui apparaît seulement au fil des rencontres et des conversations. Les Nicaraguayens marqueront toujours un point d’honneur à être accueillant, souriant, malgré une situation instable.
Steve et Sandrine

Publié par Sandrine

Sandrine ROY | circumnavigating the globe since 2020 and cycling across the continents.

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