
Cette pause de quelques semaines nous permet de réaliser à quel point la motivation est la clef de voute dans un long voyage. Elle est notre plus grande force, jumelle de notre ténacité, et indispensable en ces périodes tourmentées. Sans elle, difficile de pousser les pédales, compliqué de vivre en nomades et d’accepter les multiples paramètres inconnus du quotidien à vélo.
D’avoir été téléporté instantanément d’un continent à l’autre, on regarde en face les bons et les mauvais cotés de ces deux sociétés si différentes. C’est une sacrée gifle, un choc visuel et temporel. À nous de garder les points positifs de chacune d’elles.
On quittait la sécheresse du Mexique pour embrasser les chutes de neiges abondantes dans nos Alpes, en laissant derrière nous le libre détachement et le bon vivre d’Amérique Centrale pour plonger dans la morosité et l’anxiété d’une pandémie égocentrée européenne.
Et puis ce temps de « repos » en France, mis à part les enterrements et les lettres de condoléances, nous aura permis d’engloutir autant de fromage que possible. De nous faire charrier par la famille et de partager des fous rires autour du sapin. Avec autant de repos on aurait pu naïvement croire à une reprise en pleine forme. Balivernes !
Le sport est ingrat. Ce retour en selle le 31 décembre 2021 était là pour nous le rappeler. Pile-poil un an depuis notre départ de Savoie sous la neige. À 2500 m, le souffle est court et les cuisses piquent comme celles de poulets maigrichons apprenant à pédaler.
On avait justement gardé sous le coude une étape de reprise idéale, ni ambitieuse, ni technique, on vous laisse évaluer par vous-même. Cholula à Paso de Cortés à 3600 mètres d’altitude pour 32 km et 1600 m de dénivelé positif. Sur le papier, c’est cadeau, en pratique, ça piquotte autant que les piments Habaneros mexicains.

Le revêtement asphalté laisse vite place à un sable volcanique se dérobant, rendant le pédalage aléatoire. La piste serpente sur l’imposant volcan Popocatépetl. Aucune vue, on a la tête dans le guidon, forêt, sable, pommes de pin, épines, on se croirait dans les Landes, manque plus que les planches de surf à trainer. Les magnifiques paysages volcaniques sont un mensonge fomenté par les cyclistes en Fat-bike montant en 4×4 jusqu’au sommet où effectivement la vue se dégage.
À 3200 mètres, après 8 heures d’efforts à majoritairement pousser les vélos (toujours sans vue magnifique) un petit restaurant est atteint nous autorisant à planter la tente pour le 31 au soir. Petite soirée au coin du feu et repas typiquement mexicain à base de Tacos au fourneau pour clôturer cette année de voyage si riche en expériences. Le feu crépite, les yeux rivés dans les étoiles, on pense à ceux qu’on a perdus cette année et aux futurs chemins à parcourir. C’est 2022.


Le lendemain, les 6 derniers kilomètres d’ascension sont égaux aux 32 précédents, retords. Il nous faut deux heures pour atteindre le col de Cortés à 3600 m tels des escargots à roulettes. Le souffle court, la peau tirée, mais fin heureux. Enfin, nous découvrons ces deux colosses volcaniques qui se font face, le Popocatépetl (5452 m) et l’Iztaccíhuatl (5215 m).




Entre les deux, nous sommes minuscules, cette fois la vue sur toute la région est à couper le souffle. On enchaine magistralement avec la plus belle descente du voyage. Soixante kilomètres sans un coup de pédale, on hurle au vent, les cheveux flottent, on s’égosille de liberté. Voilà après quoi nous courrons !

Deuxième claque, chaude et raide, de 3600 on dégringole au fond d’un trou à 1000 m. Suit une remontée bitumineuse d’une autoroute en travaux qui nous plombe le ciboulot et on est à court d’eau, évidemment ça tombe bien, il n’y a rien. On vise le petit pueblo Tepoztlán, jumeau géomorphique des Météores de notre Grèce lointaine. Sandrine craque et quémande de l’eau, qui lui vaudra, on ne le sait pas encore, 2 belles journées de tourista. On reprend si vite les bonnes habitudes.
Une petite voiture rouge nous suit sur la voie en travaux, bizarre. En pleine montée, à 15h, sous un soleil de plomb, alors même que la question de l’hébergement du soir trottait dans nos têtes, une voiture ralentit à notre hauteur. Ils font signe de nous arrêter. Sophie et sa fille Annie nous proposent spontanément de nous accueillir pour le soir. Décidément, l’hospitalité mexicaine nous surprendra toujours. Le comble de l’histoire, Sophie surnommée Colibri est une parapentiste et ancienne parachutiste. Quoi, une femme pilote au pays Machistador ? Génial, on reprend des forces, mais on finira cette interminable montée sur les rotules. On terminera la journée en discutant chez Sophie des conditions de vols pour le lendemain.




On commence fort cette année, mais désormais il ne va pas falloir mollir. Au 3 janvier, encore 1600 km de vélo restant et puis l’objectif majeur de 2022 sera la transpacifique à la voile jusqu’en Asie.
Tout un programme iodé, aller c’est parti !
Steve